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23 août 2023

Jean Claude Gandur, homme d'art et de culture partagés

Collectionneur passionné d’art et d'histoire, entrepreneur, membre de la section de Suisse, ce mécène et philanthrope s’est notamment engagé au travers de fondations à sauvegarder le patrimoine et à promouvoir la culture auprès de tous les publics.


Dans le secteur de l’énergie, le monde de l’art et de la culture, ou encore celui de la philanthropie, vous ne cessez d’entreprendre. Quelles sont les valeurs qui animent cette multitude d’actions et en quoi celles-ci résonnent-elles avec la Légion d’honneur dont vous êtes officier ?

Vous avez raison, cette soif d’entreprendre est motrice ; je ne m’arrête jamais. Il s’agit pour moi à la fois d’une curiosité insatiable, d’une volonté absolue d’agir, et d’un attachement à la transmission et l’accessibilité des savoirs. Je suis de ceux qui considèrent qu’il est un devoir moral de partager. Ainsi, la Légion d’honneur incarne beaucoup de valeurs qui me sont chères et qui donnent au rôle d’officier un sens profond. Si je devais en citer que quelques-unes, je parlerais avant tout du respect des autres, de la volonté de montrer l’exemple et de la transmission.

Ce devoir moral de partager, vous le portez à travers de nombreuses actions philanthropiques. Comment avez-vous concilié votre amour entrepreneurial et philosophique ?

Ma trajectoire est indissociable d’une volonté d’engagement social. Arrivé en Suisse en provenance d’Alexandrie à l’âge de 12 ans, marqué par mon propre parcours d’intégration, j’ai pu mesurer l’importance de l’ouverture à l’autre pour réussir sa vie, au-delà de toutes les différences. Suite à la réussite entrepreneuriale du Groupe Addax & Oryx (AOG), j’ai décidé, il y a plusieurs années, de mettre mon expertise et mon réseau au service de causes sociales et humanitaires. Je me suis donc très rapidement impliqué dans la philanthropie en créant plusieurs fondations et en soutenant divers projets caritatifs qui agissent sur l’éducation et le développement communautaire.

Quelles sont les missions portées par vos fondations à visée philanthropique ?

Je commencerai par la Fondation Addax établie dans le but de contribuer à lutter contre les causes premières de la pauvreté en Afrique et au Moyen-Orient. Elle soutient des initiatives locales d’organisations à but non lucratif visant à aider les plus démunis autour de quatre domaines : l’éducation, la santé, l’environnement et le développement communautaire. Durant l’année 2023, nous finançons 23 projets dans plus de 13 pays d’Afrique et du Moyen-Orient, avec des actions variées touchant à la sécurité alimentaire, l’éducation nutritionnelle, la santé reproductive, l’alphabétisation, l’accès à l’eau potable, la formation professionnelle dans l’agriculture, la gestion circulaire des déchets et la restauration des forêts. Les projets regroupant plusieurs domaines d’actions facilitent une meilleure pérennisation, ce qui est décisif dans le choix des projets.

Fondée en 2011, la Fondation Gandur pour la jeunesse a une toute autre visée puisqu’elle est destinée à aider des jeunes en difficulté en Suisse et dans les pays limitrophes. Je suis particulièrement sensible aux causes favorisant l’intégration de jeunes déracinés dans leurs pays d’accueil, enfants de requérants d’asile notamment, ou encore les jeunes en rupture, tout en étant concerné par les programmes destinés aux enfants et adolescents discriminés et en situation de handicap. Protéger la jeunesse est une action capitale.

 

Et puis, il y a l’art. Votre collection comprend plus de 3 500 objets déposés au sein de la Fondation Gandur pour l’Art que vous avez créée en 2010. D’où vous vient cette passion et comment l’avez-vous nourrie ?

À Alexandrie, j’ai grandi au milieu d’œuvres d’art, ainsi est née cette passion pour les antiquités égyptiennes lors d’une visite de classe aux fouilles de Saqqarah. Ma première possession est une petite lampe à huile paléochrétienne reçue de ma grand-mère quand j’étais enfant.

Au fil des ans, ma passion pour l’art s’accroît. Au début des années 1980, ma collection d’antiquités s’étoffe, notamment grâce aux conseils d’un antiquaire parisien. Ensuite, je me suis intéressé à d’autres domaines artistiques qui constitueront plus tard les quatre autres collections de la Fondation : les beaux-arts, les arts décoratifs, l’ethnologie et plus récemment, l’art contemporain africain et de la diaspora.

L’année 2022 fut marquée notamment par l’exposition « Au Cœur de l’Abstraction » à la Fondation Marguerite et Aimé Maeght. Quels seront les évènements clés de 2023 ?

Ce fut un vrai privilège de partager les murs de Marguerite et Aimé Maeght et pouvoir y présenter les œuvres de ma collection d’art abstrait. Une chance inoubliable. L’année 2023 réserve également de beaux projets. Nous prêtons actuellement un nombre important d’œuvres de la collection au Munchmuseet à Oslo (Norvège), à l’Aspen Art Museum (États-Unis), au Mucem à Marseille et au Musée des Beaux-Arts de Dijon, et nous avons ouvert début février une exposition monographique de l’artiste Martin Barré au Musée des Beaux-Arts de Rouen, dans le cadre de notre partenariat avec la Réunion des Musées Métropolitains. Nous préparons également une exposition qui ouvrira cet été avec le Mémorial de Caen, « Années pop, années choc, 1960-1975 », qui permettra de croiser art et histoire pour comprendre le climat social et politique en Europe qui couvre la période de la guerre du Vietnam jusqu’aux lendemains de mai 68.

 

Quelle vision de l’art et de la culture souhaitez-vous transmettre à travers la Fondation Gandur pour l’Art ?

Je suis convaincu que l’art est un héritage collectif ainsi qu’un formidable vecteur d’éducation. La culture crée des ponts entre les peuples et facilite l’intégration sociale. C’est de là que naît ma conviction que l’art n’a de valeur que s’il est accessible à tous. Cette aspiration se reflète dans toutes les activités de la Fondation, qui a pour vocation le partage et la transmission. Des publications, des partenariats, des expositions et des prêts garantissent la mise à disposition du public des œuvres des cinq collections. Dans les années à venir, je souhaite ouvrir un musée pour accueillir les œuvres de la Fondation et les faire découvrir au public. Le projet est en cours d’étude et nous avons plusieurs villes françaises candidates, mais je tiens ici à souligner l’ambition du projet. Il s’agit à la fois de présenter une vision inter-culturelle de l’art à travers les collections, mais surtout de créer un pôle foisonnant pour le développement artistique. Je souhaite que le musée soit un lieu de vie accueillant où des publics seniors et jeunes, de tous milieux sociaux, aient le plaisir de venir découvrir des collections, mais aussi profiter d’ateliers, de spectacles d’art vivant ou de concerts de musique. Je tiens particulièrement à travailler l’aspect de médiation du musée.

C’est en effet un très beau projet, qui me permet de rebondir sur la thématique majeure qu’est la préservation du patrimoine culturel. Vous accordez une grande importance à l’éthique dans vos actions culturelles, quels sont ces engagements ?

Je suis un défenseur de longue date de la préservation du patrimoine culturel mondial et du respect de standards éthiques dans le monde de l’art et des collections. La Fondation Gandur pour l’Art respecte ainsi les normes déontologiques du Conseil international des musées (ICOM), dont elle est membre depuis 2013, ainsi que de l’Association des musées suisses (AMS). Nous soutenons régulièrement des projets de sauvegarde du patrimoine tels que la mission archéologique franco-suisse de Saqqarah pour la recherche et la lecture des Textes des pyramides, le Fonds Khéops pour l’Archéologie pour la conservation et restauration de la tombe de Neferhotep à Deir El-Medineh ou encore le projet de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), pour la création d’une galerie muséale en ligne pour la publication d’objets issus de fouilles archéologiques, et enfin également le programme de recherche du répertoire des ventes d’antiques en France au XIXe siècle de l’Institut national d’histoire de l’Art (INHA) .

J’ai l’honneur d’avoir été coopté comme membre du conseil d’ALIPH investi de la fonction de président du comité éthique, gouvernance et rémunération à la création d’ALIPH, l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit, créée à Genève en 2017 à l’initiative du Président français François Hollande et de Cheikh Mohammed ben Zayed Al Nahyane, prince héritier de l’Émirat d’Abou Dhabi. ALIPH œuvre par des mesures concrètes contre la destruction et le pillage de biens culturels à la valeur universelle inestimable. Participer dès son origine à la création de l’ossature légale, au bon fonctionnement et au développement d’ALIPH est un défi passionnant.

Jean Claude Gandur visitant avec les élèves de l’école de Château d’OEx l’exposition Migrations divines au Mucem en 2015.

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